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Combattre la dengue avec des moustiques

Julia López discute avec Alex, promoteur de la santé de MSF, du meilleur endroit de sa propriété pour placer un bocal contenant des œufs de moustiques Wolbachia. Honduras, 2023.
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UNE INNOVATION EN PLEIN ESSOR POUR PROTÉGER CONTRE UNE MALADIE MORTELLE

Laura Aceituno Chargée de communication

Imaginez un scénario dans lequel les moustiques ne seraient plus une menace pour la santé des gens. Imaginez que ces minuscules créatures ne transmettent plus la dengue, le Zika et le chikungunya, mais deviennent plutôt des alliées dans la lutte contre ces maladies.

Pour lutter contre une crise sanitaire en pleine expansion au Honduras, Médecins Sans Frontières (MSF) travaille en étroite collaboration avec les communautés et les autorités sanitaires pour prévenir la dengue et d’autres virus transmis par les moustiques.

MSF, le ministère de la Santé du Honduras, le World Mosquito Program et l’Université nationale autonome du Honduras s’associent aux communautés. L’objectif est de travailler de concert pour mettre en œuvre des stratégies de santé publique innovantes visant à réduire les maladies dues aux arbovirus (virus transmis par les insectes) comme la dengue, le Zika et le chikungunya.

DES ÉPIDÉMIES DE PLUS EN PLUS GRAVES

La dengue est à l’origine d’une crise sanitaire au Honduras et dans l’ensemble de la région des Amériques. Elle constitue également une menace majeure pour la santé mondiale. Elle se propage rapidement, et au cours des 50 dernières années, son incidence a été multipliée par 30. Aujourd’hui, plus de la moitié de la population mondiale est exposée au risque que représente la dengue, et en raison des changements climatiques, l’on s’attend à ce qu’un milliard de personnes supplémentaires y soient exposées dans les décennies à venir.

La dengue est une infection virale transmise par la piqûre de moustiques infectés. Elle est principalement présente dans les zones urbaines des climats tropicaux. Les symptômes sont la fièvre, les maux de tête, les courbatures et les nausées. Les personnes souffrant d’une dengue sévère doivent être soignées dans un hôpital. La maladie peut être mortelle.

Au Honduras, les épidémies sont de plus en plus graves, et chaque année, plus de 10 000 cas sont signalés.

« Les seuils d’urgence atteignent des niveaux alarmants et les méthodes de prévention actuelles ne suffisent pas à protéger les gens de la dengue », explique Edgard Boquin, responsable de projet de MSF au Honduras.

Aucun traitement spécifique n’est actuellement disponible et aucun vaccin n’a encore été produit pour offrir une protection suffisante contre l’infection. Les techniques de lutte antivectorielle dépassées ont conduit les moustiques à devenir résistants aux méthodes de prévention et aux pesticides actuels.

LA MÉTHODE WOLBACHIA UTILISÉE DANS PLUS DE 14 PAYS

Dans le but de trouver des solutions plus efficaces et plus durables, MSF travaille en partenariat avec des organisations locales pour tester des méthodes de prévention qui n’ont pas encore été utilisées au Honduras, mais qui se sont avérées efficaces dans d’autres pays où la dengue est très présente. L’une d’elles consiste notamment à lâcher des moustiques Aedes aegypti porteurs de la bactérie naturelle Wolbachia, qui réduit la capacité des moustiques à transmettre les arbovirus.

« Lorsque les moustiques sont porteurs de Wolbachia, la bactérie entre en compétition avec les virus comme celui de la dengue. Cela rend plus difficile la reproduction des virus à l’intérieur des moustiques », explique Claire Dorion, conseillère technique de MSF. « Cela signifie que les moustiques sont beaucoup moins susceptibles de propager les virus d’une personne à l’autre, réduisant ainsi la propagation de la dengue dans une région où Wolbachia est établi dans la population locale de moustiques. »

La méthode Wolbachia du World Mosquito Program est sans danger pour les gens et l’environnement. Elle a été utilisée avec succès dans plus de 14 pays, dont l’Australie, le Mexique, le Sri Lanka et le Vietnam, touchant ainsi quelque 10 millions de personnes. Il est prouvé que la transmission du virus est considérablement réduite dans les zones où Wolbachia est maintenu à un niveau élevé.

MSF a travaillé en étroite collaboration avec les communautés pour concevoir, préparer et mettre en œuvre toutes les activités. Celles-ci seront menées dans 50 quartiers du district sanitaire d’El Manchén, où l’on enregistre des taux parmi les plus élevés de maladies transmises par les moustiques à Tegucigalpa, la capitale du pays. Les équipes de MSF ont consulté plus de 10 000 membres des communautés de la région avant de commencer les activités. Parmi les personnes consultées, 97 % appuient le projet et nombre d’entre elles participent activement à la libération des moustiques.

« Nous espérons que ces nouvelles méthodes pourront devenir des solutions durables pour empêcherles gens de souffrir de ces maladies. »

Des moustiques porteurs de Wolbachia seront relâchés chaque semaine pendant une période de six mois. Pendant trois ans, des tests seront effectués sur la population de moustiques afin de déterminer le pourcentage d’insectes porteurs de Wolbachia.

En 2024, des activités supplémentaires de lutte antivectorielle seront menées dans deux autres zones de la capitale afin de réduire la transmission à l’intérieur des habitations.

« L’objectif premier est de réduire le nombre de décès et de maladies causés par la dengue et d’autres arbovirus. À long terme, nous espérons que ces nouvelles méthodes de- viendront des solutions durables pour éviter que les gens ne souffrent de ces maladies », ajoute Edgard Boquin.

En collaboration avec le ministère de la Santé, MSF relâche les premiers moustiques porteurs de Wolbachia dans l’une des zones
d’intervention de Tegucigalpa. Honduras, 2023. © MSF/Laura Aceituno