Expérimenter une solution simple pour l’hygiène menstruelle en situation de crise

L’équipe MSF du projet Kalehe, dans le Sud-Kivu, rencontre des femmes de la région pour discuter de leurs croyances, de leurs pratiques et des défis auxquels elles sont confrontées face aux menstruations dans des contextes de crise. République démocratique du Congo. Dessin de l’artiste Marko Petrik. © MSF
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Alain Kikwaya-Vangi Coordonnateur médical adjoint République démocratique du Congo

« Je suis surprise », dit Marie-Thérèse*. « Je suis surprise que MSF se préoccupe d’un problème comme celui-là. C’est tellement personnel. »

Marie-Thérèse participe à un groupe de discussion organisé dans le cadre d’un nouveau projet que pilote notre équipe au Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Le projet consiste à distribuer des sous- vêtements menstruels aux femmes déplacées de la région pour évaluer la viabilité de cette solution. Les sous-vêtements menstruels qui sont distribués sont fabriqués avec un tissu spécial qui les rend absorbants, lavables et réutilisables.

Cette idée est venue d’une collègue qui trouvait que c’était pour elle-même la meilleure option dans les contextes difficiles où Médecins Sans Frontières (MSF) travaille. Si les sous-vêtements menstruels étaient le meilleur choix pour elle, elle s’est demandé s’ils ne pourraient pas aider également les femmes vivant dans des camps de personnes déplacées ou confrontées à d’autres situations de crise où l’hygiène menstruelle pose son lot de défis et d’obstacles.

Le Sud-Kivu a connu des cycles répétés de violence armée intercommunautaire qui ont forcé des milliers de personnes à fuir pour sauver leur vie. Dans leur quête de sécurité, les habitants et les habitantes de cette région isolée se retrouvent souvent privé·e·s d’accès aux choses essentielles de la vie, comme l’eau, la nourriture ou les soins de santé.

En décembre, j’ai rencontré une femme qui nous a raconté s’être réveillée en pleine nuit dans sa maison en feu alors que son village était attaqué. Elle a réussi à s’échapper, mais elle n’a pas eu le temps d’emporter quoi que ce soit avec elle. Lorsque notre équipe l’a croi- sée, elle vivait avec 40 autres personnes dans une école de dix mètres carrés, et elle n’avait rien, ni literie ni vêtements de rechange.

Dans les groupes de discussion sur l’accès à l’hygiène menstruelle, des femmes ayant vécu des expériences similaires ont expliqué qu’au lendemain d’une crise, elles n’avaient d’autres choix que d’utiliser ce qu’elles pouvaient trouver autour d’elles pour gérer leurs menstruations. Le recours à ces matériaux qui souvent ne sont ni sûrs ni hygiéniques peut avoir des répercussions sur leur santé physique et psychologique. Mais l’hygiène menstruelle n’est pas toujours prise en compte lors d’une intervention d’urgence.

En partageant leurs points de vue, les parti- cipantes nous ont aidées à comprendre les besoins et les perceptions culturelles autour de ce sujet sensible, ce qui nous a permis de passer à une autre étape du projet pilote. Après plusieurs retards dus à la violence et à l’insécurité dans la région, nous avons distri- bué, depuis la première semaine de février, des sous-vêtements menstruels à 200 femmes qui ont accepté de les utiliser et de nous donner ensuite leur avis.

Peu importe les conclusions de l’essai, j’espère que ce projet saura montrer à quel point il est important d’intégrer l’hygiène mens- truelle dans toute intervention d’urgence, en particulier auprès des populations déplacées. En consultant dès le départ la communauté touchée, nous avons eu l’occasion de bâtir une relation plus solide avec elle, d’apprendre et d’optimiser notre approche. C’est d’ailleurs une façon de faire que nous prioriserons dans les initiatives futures.

Pour l’instant, notre équipe poursuit la distribution et nous avons bien hâte de savoir ce que les participantes penseront de cette option. Certaines d’entre elles nous ont d’ail- leurs déjà donné des idées pour la prochaine phase du projet.

*Ce nom a été changé pour protéger la vie privée.