« J’ai dit à mon mari que je ne survivrais pas à un autre accouchement, car je suis diabétique », raconte Negah Abdallah Ali. Negah vient de donner naissance à Ashraf, un bébé en bonne santé, à la maternité de Médecins Sans Frontières (MSF) de l’hôpital général de Mocha.
Ici, sur la côte ouest du Yémen, c’est un lundi après-midi ensoleillé. À l’extérieur, il fait 35 °C, mais dans la salle de soins post-partum, Negah et les autres mères sentent la brise apaisante de la climatisation.
En plus du diabète, Negah souffre d’hypertension. Ces deux pathologies augmentent les risques liés à la grossesse et à l’accouchement. Negah est l’une parmi les milliers de femmes qui viennent à la maternité de MSF pendant leur grossesse. Comme dans la plupart des pays touchés par un conflit, le système de santé du Yémen s’est effondré, ce qui menace particulièrement la santé des femmes et des enfants.
« Nous sommes le seul service de maternité et de pédiatrie ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 dans toute la région de la côte ouest, qui compte un peu plus d’un demi-million de personnes », explique Ann Van Haver, responsable des sages-femmes de MSF.
En juillet 2024, MSF a intégré ses services de maternité à l’hôpital général de Mocha, ce qui a permis d’étendre les services. Nous avons notamment ouvert un nouveau service de soins obstétriques et néonataux complets. Aujourd’hui, la maternité compte 28 lits pour l’accouchement et les soins postnatals, dont des lits pour les soins néonataux et intensifs.
La côte ouest du Yémen est une zone rurale bordée, au nord et à l’est, par des lignes de front. Les femmes dont la grossesse présente des complications, ou jugée comme à haut risque, doivent parfois faire trois heures de route pour se rendre à Mocha. Dans ce contexte, nous estimons que 15 % des accouchements sont susceptibles de présenter des complications obstétricales qui, si elles ne sont pas traitées à temps, peuvent être fatales.

Les risques et les complications auxquels sont confrontées les femmes de la région sont facilement évitables, mais en l’absence de soins prénatals et postnatals adaptés et accessibles, la grossesse devient plus dangereuse.
« Les mères du Yémen font face à tellement de défis, dont la plupart sont liés à la guerre qui rend l’accès aux rares centres de santé très compliqué », explique Altaf Al Wahidi, sage-femme à la maternité de MSF. « C’est pourquoi l’emplacement de cette maternité est si important. Nous couvrons une grande partie de la côte ouest. »
Bien que les complications dont souffrent les femmes puissent être traitées par l’hôpital et son personnel, encore faut-il que les femmes arrivent à temps. Ann Van Haver insiste sur la nécessité de disposer d’une première ligne de soins plus près du domicile. Compte tenu de la population de la côte ouest, environ 1 300 femmes devraient accoucher chaque mois.
« Actuellement, environ 250 d’entre elles accouchent [chaque mois] avec nous », explique Ann Van Haver. « Il y a donc, chaque mois, un millier d’autres femmes qui accouchent ailleurs. Et aujourd’hui, ce n’est pas dans les installations de santé. C’est pourquoi nous voyons beaucoup plus de complications nécessitant des traitements invasifs. »
De nombreux facteurs empêchent une femme d’atteindre un hôpital sur la côte ouest. Parmi ceux-ci, citons les conflits, les postes de contrôle érigés le long des routes, les conditions économiques désastreuses et la nécessité d’obtenir le consentement formel d’un membre masculin de la famille pour tout acte médical, y compris une césarienne.

© Eshraq Alshargabi/MSF
Fatema* a 16 ans. Elle s’est rendue à l’hôpital dès qu’elle a cru que le travail avait commencé, mais celui-ci n’a pas progressé. Elle est donc rentrée chez elle quelques heures plus tard, pour accoucher soudainement à la maison avec l’aide de sa mère.
« L’accouchement s’est bien passé et le bébé est en bonne santé, mais j’ai eu des saignements après l’accouchement », explique Fatema. « Le matin, je suis retournée à l’hôpital, où j’ai reçu des soins médicaux appropriés pour arrêter le saignement. Je suis heureuse et soulagée que la douleur ait disparu et que je puisse bientôt sortir de l’hôpital pour retrouver mon bébé. »
De retour dans la salle de post-partum, Negah reçoit la visite de l’éducatrice à la santé, Bashira Seqek, qui lui fournit des informations sur la toxicité du paracétamol, les avantages de l’allaitement et la planification familiale. Pendant ce temps, dans le couloir, son mari Ali Abdallah Ali tient dans ses bras leur fils nouveau-né.
« Depuis que la maternité a ouvert ses portes, ici, à Moka, tous les soins sont disponibles, et j’en suis reconnaissante », déclare Negah. « Je me sens à 100 % confiante dans les services fournis. Dans mon village, nous savons toutes que nous devons venir ici pour tout ce qui concerne les soins maternels. »
Derrière la porte, où peu d’hommes sont admis, la maternité est un monde de femmes, de dignité et de solidarité, qui bat au rythme des sages-femmes.
*Le nom a été modifié pour protéger la vie privée.