© Miora Rajaonary

Soins d’avortement sûrs

Judite* (à droite) s’entretient avec une sage-femme au centre de santé de Chingussura, à Beira, où MSF soutient le personnel du ministère de la Santé qui fournit des soins de santé et des services de maternité. « J’ai eu un avortement, tout s’est bien passé, sans problème, et on s’est bien occupé de moi. » Mozambique, 2023.
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Lucy Smith Chargée du contenu MSF Canada

L’avortement est un acte médical courant et une expérience que vivent de nombreuses personnes. Des personnes de tous âges, ethnies, nationalités et religions prennent en effet, pour diverses raisons, la décision, parfois difficile, de mettre fin à leur grossesse. Pourtant, dans de nombreux endroits du monde, les personnes qui avortent sont confrontées à des stéréotypes préjudiciables, à des reproches et à la stigmatisation sociale.

Médecins Sans Frontières (MSF) fournit des soins d’avortement sécurisé. Elle offre également des soins en réponse aux conséquences d’un avortement à risque, qui demeurent l’une des principales causes de mortalité maternelle à travers le monde. En 2023, les équipes de MSF ont pratiqué plus de 54 600 avortements sécurisés à travers 37 pays, en réponse aux personnes qui en ont fait la demande.

Lorsque nous nous entretenons avec des gens qui décident d’avorter, nous entendons souvent leur histoire personnelle. Afin de briser la stigmatisation liée à l’avortement, nous partageons ici les histoires de trois femmes, de Colombie, de Grèce et d’Inde. Toutes ont des parcours et des raisons différentes de choisir l’avortement, mais chacune d’entre elles a pu recevoir de la part de MSF un traitement gratuit et de qualité.

[Au Venezuela], si nous prenions un petit-déjeuner, nous n’avions rien pour le déjeuner. Si nous déjeunions, il n’y avait pas de dîner. Parfois, nous mangions quelque chose à midi et nous en gardions un peu pour plus tard. Nous sommes arrivés [en Colombie] maigres.

J’ai dû renvoyer [certains de mes enfants] à Maracaibo [au Venezuela] avec ma mère, parce qu’ils ne pouvaient pas étudier ici. Je suis restée ici avec ma fille et nous nous débattons. Il n’y a pas de travail ici. Je n’ai rien de stable.

Je ne savais pas que j’étais enceinte. Je suis venue à la clinique de MSF parce que j’avais de la fièvre et un mal de dents. Quand j’ai vu qu’ils distribuaient des contraceptifs, j’en ai demandé. Ils m’ont dit que je devais d’abord faire un test de grossesse. Il semblait négatif, mais quand j’ai tourné le coin de la rue, l’autre ligne est apparue. Je suis revenue en pleurant. Ils m’ont mise en contact avec un psychologue de MSF.

Mon médecin au Venezuela m’avait dit qu’il était dangereux pour moi de retomber enceinte. J’ai déjà subi quatre césariennes. Si j’avais dû le faire, j’aurais cherché n’importe où quelque chose qui puisse mettre fin à la grossesse. Il y a beaucoup d’options. Il y a des plantes, il y a des choses que l’on peut boire. Je ne peux pas retomber enceinte parce que je pourrais en mourir.

Le lendemain, MSF m’a envoyée à l’hôpital pour recevoir les pilules nécessaires à l’avortement. Toute ma famille m’a soutenue. J’ai déjà des enfants. Je veux les voir grandir. Maintenant, j’ai reçu un implant qui m’empêchera pendant cinq ans de devenir enceinte. Dieu merci, MSF m’a donné cet implant [gratuitement]. À Maracaibo, cela aurait coûté cher!

Une infirmière de MSF présente des pilules abortives, pour un avortement sécuritaire. Les femmes prennent souvent le premier cachet au centre de santé, puis les autres plus tard, à la maison. Mozambique, 2023. © Miora Rajaonary
La porte du bureau de Nilsa, responsable du service de maternité et d’avortement sécurisé du centre de santé de Chingussura, à Beira, est couverte d’affiches qui indiquent : « L’interruption de grossesse est légale et gratuite au Mozambique ». « Elle est proposée jusqu’à 12 semaines de grossesse. » « Chaque avortement sécuritaire qui est offert est un avortement dangereux évité. » « L’avortement médicalisé est également une urgence sociale. Pas de stigmatisation. Pas de décès. » Mozambique, 2023. © Miora Rajaonary
Deux médicaments de marque différente sont utilisés pour l’avortement par médicament. La pilule dite abortive est efficace à plus de 95 % et est extrêmement sûre, avec moins de 1 % de risque de complications graves. Le risque de décès lié à un avortement médicalisé est plus faible que celui lié à une injection de pénicilline ou à une grossesse menée à terme. Mozambique, 2023. © Miora Rajaonary

Je ne me sentais pas bien, j’étais très fatiguée. J’ai fait un test de grossesse à la maison et il s’est avéré positif. Je suis allée dans une clinique et on m’a donné les médicaments pour l’avortement. Je n’ai pas eu de complications. Je me sentais bien.

Je vis en Grèce depuis deux ans, à titre de personne réfugiée. Je suis originaire de la République démocratique du Congo. J’ai un enfant et il est difficile de le soutenir. Je suis seule. J’ai pris la meilleure décision possible, car je ne peux pas élever convenablement un enfant si je ne trouve pas de nourriture pour lui. Il souffrirait dans ce monde. Je pense que l’avortement est un sujet normal, ce n’est pas quelque chose que nous devrions cacher.

J’ai été mariée à l’âge de 15 ou 16 ans. Mon mari est violent. Il ne pratique pas le sexe sans risque. Au contraire, il me dit que les hommes sont nés pour épouser des femmes et s’amuser avec elles. Il dit : « Je suis un homme et c’est ce que je vais faire. »

J’ai pris la décision de ne plus avoir d’enfants lorsque j’ai eu mon troisième bébé, il y a six ans. Depuis, j’ai acheté des pilules abortives en pharmacie sans aucun conseil médical. Cet été, j’ai avorté avec le soutien de MSF.

J’avais l’habitude de pleurer lorsque personne ne me soutenait dans ma famille, mais aujourd’hui, je suis autosuffisante sur le plan émotionnel. Je n’ai plus honte de parler de mes avortements. J’ai acquis un bon jugement depuis que je suis mariée. Je sais reconnaître qui veut le meilleur pour moi et qui ne le veut pas. Aujourd’hui, je parle pour moi.

*Les noms ont été modifiés pour protéger la vie privée.

Pourquoi un avortement sûr est-il un soin de santé essentiel?

A patient at the Munhava Health Center in Beira, Mozambique, is given painkillers for residual discomfort after a safe abortion a little over a week ago. It is normal to still experience some mild pain and bleeding several days after a medical abortion. A safe abortion with pills is over 95% effective and is extremely safe, with less than a 1% chance of severe complications. The risk of death from a safe abortion is lower than from an injection of penicillin or from carrying a pregnancy to term.

Chaque année, plus de 73 millions d’avortements sont pratiqués à travers le monde. Bien que l’avortement soit une procédure médicale courante, 45 % des avortements sont pratiqués dans des conditions dangereuses, la grande majorité d’entre eux ayant lieu dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé, un avortement est dangereux si la personne qui le pratique n’a pas les compétences nécessaires ou si l’avortement a lieu dans un environnement qui ne répond pas aux normes médicales. Bien que les soins d’avortement sûrs ne nécessitent pas de ressources importantes, les complications résultant d’avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité requièrent, elles, des soins d’urgence essentiels.

Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) voient régulièrement des personnes souffrant de lésions graves et potentiellement mortelles dues à des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses. Il peut s’agir d’hémorragies graves, de septicémie (infection générale grave), d’empoisonnement, de perforation de l’utérus ou de lésions d’autres organes internes. Certaines meurent avant d’arriver à l’hôpital, d’autres ont besoin d’une intervention chirurgicale majeure pour survivre et d’autres encore restent handicapées à vie.

En plus de fournir des avortements sécurisés et des soins post-avortement, MSF offre des conseils en matière de contraception et un accès à une gamme de méthodes contraceptives. Nous reconnaissons qu’il n’appartient pas aux prestataires de soins de santé d’examiner minutieusement les raisons pour lesquelles une personne pourrait chercher à se faire avorter. Nous respectons le choix de chaque personne et nous leur fournissons des informations précises et complètes afin qu’elles puissent prendre des décisions éclairées concernant leur propre corps. Quelles que soient ces décisions, il est de notre responsabilité de leur fournir des soins sûrs et de qualité.