Maladies tropicales négligées

« J’avais à peine suffisamment de force physique pour me lever debout », raconte Zoya, qui a reçu un traitement pour une co-infection kala-azar-VIH ainsi qu’une tuberculose à l’unité MSF de Patna, dans le Bihar. On la voit ici discuter avec Chavvi Kumar, agent de promotion de la santé à MSF. Inde, 2018. © MSF / Vaishnavi Singh
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Les patients atteints de maladies tropicales négligées (MTN) ont besoin d’un meilleur accès à des outils diagnostiques et traitements sûrs et efficaces, a déclaré Médecins Sans Frontières (MSF) dans un nouveau rapport appelant à une meilleure réponse mondiale aux MTN afin de prévenir des décès et des incapacités.

Ces maladies sont considérées comme « négligées » car même si elles peuvent être mortelles et coûtent des milliers de vies chaque année, elles ne reçoivent pas d’attention de la part des industries pharmaceutique et diagnostique pour le développement des vaccins, tests de dépistage et médicaments nécessaires pour y faire face.

« Les MTN affectent presque exclusivement les personnes vivant dans l’extrême pauvreté. En conséquence, il n’y a pas de vaccins, les outils de diagnostic sont limités et les traitements sont loin d’être optimaux et souvent indisponibles ou inabordables », a expliqué le Dr Christos Christou, président international de MSF.

Malgré les progrès réalisés, certaines des maladies les plus mortelles sont loin d’avoir été éliminées ou même maîtrisées, et continuent de faire des centaines de milliers de morts chaque année. L’Organisation mondiale de la Santé a élaboré une nouvelle feuille de route pour ces maladies, créant ainsi une occasion de soutenir la mise au point de traitements, de vaccins et d’outils diagnostiques. Ses objectifs pour 2030 sont ambitieux et visent notamment l’élimination d’au moins une MTN dans 100 pays et la réduction de 90 % du nombre de personnes nécessitant des interventions médicales pour traiter les MTN.

Malheureusement, cette feuille de route arrive à un moment où la pandémie de COVID-19 menace les progrès face aux MTN. Les programmes de lutte contre les MTN ont été perturbés, les systèmes de santé fragiles sont soumis à une pression encore plus grande qu’avant, et tout porte à croire que les ressources destinées aux MTN seront détournées et que le financement sera réduit. Il existe un risque bien réel que les MTN soient davantage négligées, ce qui entraînerait un important recul dans les progrès réalisés et un plus grand nombre de vies perdues.

« Malgré les défis, nous pouvons lutter contre la négligence », a déclaré le Dr Christou. « Avec des engagements, des fonds et de meilleurs outils pour identifier, diagnostiquer et traiter les patients, nous pouvons faire des maladies MTN une chose du passé. »

LA VOIE À SUIVRE FACE AUX MALADIES TROPICALES NÉGLIGÉES

Le rapport de MSF intitulé Overcoming Neglect, disponible en anglais seulement, détaille les efforts déployés par MSF au cours des trois dernières décennies pour lutter contre les MTN. Le travail de MSF sur cet enjeu se concentre notamment sur le traitement des patients, la recherche, le soutien des efforts d’identification de nouveaux traitements et tests diagnostiques, et la réduction de l’incidence des MTN. Nous appelons à une meilleure réponse mondiale face aux MTN.

MSF fournit des soins directs aux patients atteints de MTN depuis plus de trente ans, en mettant l’accent sur les maladies les plus mortelles et les plus négligées de ce groupe de maladies. Depuis, nous avons traité des centaines de milliers de patients qui, autrement, n’auraient peut-être pas survécu. Beaucoup souffraient d’infections parasitaires potentiellement mortelles telles que le kala-azar (leishmaniose viscérale), la maladie de Chagas (trypanosomiase américaine) ou la maladie du sommeil (trypanosomiase africaine). Certains avaient contracté le noma, une maladie bactérienne mortelle si négligée qu’elle n’est pas encore reconnue comme une MTN. D’autres encore étaient victimes d’envenimations par morsures de serpent, la condition médicale qui survient après avoir été mordu par un serpent et qui cause plus de décès et d’invalidité que toute autre MTN.

NOMA

Un jeune garçon atteint de noma, en arrière-plan la chirurgie reconstructive, brochure distribuée pour sensibiliser à la maladie.
Le noma est une maladie non contagieuse négligée et peu connue qui touche principalement les enfants de moins de 10 ans. Il commence dans la bouche et ronge les tissus du visage, comme le montre cette illustration de 2021 qui présente également la chirurgie reconstructive. © Todd Buck

Le noma est une infection gangréneuse qui commence par une lésion dans la bouche et qui ronge les tissus du visage, provoquant une défiguration potentiellement mortelle et une grave stigmatisation sociale. Sans traitement, le noma est mortel dans 90 % des cas. Il touche principalement les enfants de moins de 10 ans – en particulier ceux entre deux et cinq ans – en Afrique et en Asie. Dérivé du mot grec nomē, qui signifie « dévorer », le noma progresse rapidement, provoquant la destruction rapide de la joue, et potentiellement de la mâchoire, de la lèvre, du nez et/ou de l’oeil, en quelques semaines.

Cette maladie bactérienne mortelle est si négligée qu’elle n’est même pas encore répertoriée en tant que maladie tropicale négligée.

Le noma est évitable, mais pour ce, il faut que la population soit informée sur la maladie et la façon de la traiter. Une bonne alimentation, une hygiène bucco-dentaire adéquate et un accès aux soins et aux vaccinations contre les maladies infantiles contribuent à prévenir cette maladie.

Le noma est traitable s’il est détecté et pris en charge dès les premières semaines de la maladie. Avec une hygiène bucco-dentaire de base, des antibiotiques et un pansement, un patient peut se remettre du noma en quelques semaines. La gestion des facteurs de risque sous-jacents, tels que la malnutrition et d’autres maladies comme la rougeole, facilite également la prévention du noma.