Des vies déracinées

Des Rohingyas posent pour une photo dans le camp de réfugié·e·s de Cox’s Bazar. Bangladesh, 2018. © Robin Hammond / NOOR
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Nur Boshor* fait partie des centaines de milliers de Rohingyas qui ont fui vers le Bangladesh en 2017 à la suite d’une campagne de violence ciblée menée par les forces de sécurité du Myanmar.

Cinq ans plus tard, près de 900 000 Rohingyas vivent toujours dans le district de Cox’s Bazar, au Bangladesh, dans ce qui est devenu le plus grand camp de réfugiés et de réfugiées du monde. Les réfugié·e·s rohingyas ne sont pas autorisé·e·s à occuper un emploi et ne peuvent gagner qu’un très petit salaire en tant que volontaires auprès d’organisations œuvrant dans le camp.

Nur Boshor travaille comme volontaire journalier avec l’équipe de sensibilisation de Médecins Sans Frontières (MSF). Il explique pourquoi les volontaires rohingyas constituent une partie essentielle de l’équipe et exprime son espoir de pouvoir un jour rentrer chez lui.

Nur Boshor Membre de l’équipe de sensibilisation Bangladesh

En 1962, l’armée prend le pouvoir au Myanmar et décrète la loi martiale. C’est à partir de ce moment qu’on a progressivement commencé à nous négliger et à nous torturer. En 1974, notre citoyenneté a été révoquée. La torture et le net- toyage ethnique se sont intensifiés. Ma famille a toléré la situation jusqu’en 2017, puis nous avons finalement décidé de partir. Nous avons abandonné nos biens, nos terres, nos maisons, tout. L’armée du Myanmar, qui avait établi des points de contrôle sur la route, nous tirait dessus sans discernement. Nous avons perdu beau- coup d’âmes là-bas, en fuyant.

La situation dans les camps empire de jour en jour. Les gens n’ont pas d’emploi. Ils dépendent des rations des programmes alimentaires et reçoivent, pour une famille, seulement 1 017 takas bangladais par mois [environ 14 dollars]. Comment une famille peut-elle survivre avec une si petite somme? Nous ne pouvons nous permettre que du riz et des lentilles. Le poisson, la viande ou les médicaments indispensables sont beaucoup trop chers.

Au Myanmar, je travaillais dans le secteur du développement. Quelques jours après [mon arrivée au Bangladesh], je me suis joint à MSF en tant que volontaire journalier. Les Rohingyas possèdent leur propre langue et leur propre culture. Seul un ou une Rohingya peut comprendre les paroles et les besoins d’un ou d’une autre Rohingya. Lorsque nous étions au Myanmar, de nombreuses femmes enceintes sont mortes à l’hôpital local simplement parce qu’elles ne pouvaient pas exprimer correctement ce qu’elles éprouvaient ni parler de leur état avec des médecins qui ne parlaient pas leur langue. Peu à peu, les gens ont commencé à se méfier des hôpitaux et des cliniques.

Aujourd’hui [au Bangladesh], les volontaires rohingyas [qui travaillent avec MSF] font du porte-à-porte pour discuter des problèmes de santé, expliquer l’importance de demander une assistance médicale et tenter de dissiper la peur que les réfugiés et les réfugiées entre- tiennent depuis longtemps envers les médecins et les hôpitaux. Seul un ou une volontaire rohingya peut effectuer ce travail.

Vu l’insécurité omniprésente dans les camps, plusieurs personnes [que je connais] veulent retourner au Myanmar. Moi aussi, j’ai envie de retourner chez moi. [Mais] pas maintenant, car la situation n’est pas rétablie là-bas. Nous serions à nouveau confronté·e·s à l’horreur si nous y retournions. Nous sommes des réfugié·e·s, mais aussi des êtres humains. Nous avons des rêves. Nous avons besoin d’une assistance médicale lorsque nous sommes ma- lades. Nous avons besoin de nourriture quand nous avons faim. Nous avons besoin d’un abri. Je demande au monde entier de nous traiter comme des êtres humains. Nous voulons être rapatrié·e·s le plus tôt possible. Nous voulons rentrer à la maison.

*Ce nom a été changé pour protéger la vie privée.

Nur Boshor travaille comme volontaire journalier avec l’équipe de sensibilisation de MSF dans le camp de réfugié·e·s de Cox’s Bazar. Il fait partie
des centaines de milliers de Rohingyas qui ont fui le Myanmar en 2017. Bangladesh, 2021. © Tariq Adnan / MSF