La crise migratoire se poursuit au Mexique et en Amérique centrale

MSF offre des soins de santé primaires, de santé mentale et des services de promotion de la santé à différents points de la route migratoire du Mexique. Mexique, 2023. © Yesika Ocampo/MSF
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Esteban Montaño Vásquez Responsable des communications

Le 11 mai 2023, le président des États-Unis, Joe Biden, a décrété la fin de l’état d’urgence sanitaire de portée nationale lié à la COVID-19. Cette décision a également signifié la levée du Titre 42, une ordonnance de santé publique utilisée pour rejeter les demandes d’asile à la frontière sud des États-Unis pendant plus de trois ans.

Activé en 2020 par l’administration de l’ex-président Donald Trump et prolongé à plusieurs reprises par l’administration de Joe Biden, le Titre 42 permettait au personnel douanier de refouler des personnes en quête de protection. Il a permis d’autoriser l’expulsion de plus de 2,8 millions d’individus vers des villes frontalières au Mexique.

Cette situation a provoqué une crise humanitaire. Des milliers de personnes se sont retrouvées avec un accès limité aux abris, à la nourriture et aux soins de santé. Elles se sont par ailleurs trouvées menacées par la violence qui sévit dans des villes complètement démunies face à ces immenses besoins.


Les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) qui prodiguent des soins médicaux et de santé mentale dans des villes comme Reynosa, Matamoros, Piedras Negras et Ciudad Acuña sont les témoins de première ligne des effets désastreux de cette politique.

DE NOUVEAUX OBSTACLES À L’ASILE

« C’est une excellente nouvelle que le Titre 42 [ait] été levé. Il utilisait à tort des considérations de santé publique pour empêcher les gens de demander l’asile et mettait d’innombrables personnes en danger », déclare Adriana Palomares, directrice du projet de MSF au Mexique et en Amérique centrale.

« Nous espérions que les processus d’accueil des individus en quête de protection seraient rétablis avec l’abolition du Titre 42. Malheureusement, l’administration de Joe Biden semble vouloir créer de nouveaux obstacles à l’accès à l’asile », explique Adriana Palomares. « Nous savons que les politiques de dissuasion ne fonctionnent pas. Tout cela ne fera qu’exposer davantage de personnes à la violence et au danger. »

En plus de mettre en œuvre de nouvelles politiques sur l’immigration, le gouvernement américain est revenu aux dispositions d’une loi sur l’immigration connue sous le nom de Titre 8 pour traiter les personnes déplacées. Aux termes de cette loi, ces personnes peuvent se voir imposer une amende ou une sanction avant leur déportation. Essayer d’entrer à nou- veau aux États-Unis peut entraîner des poursuites au pénal, l’interdiction de pénétrer sur le territoire ou l’inadmissibilité à l’asile pendant une période allant jusqu’à 20 ans.

« L’administration de Joe Biden avait promis d’établir un système d’immigration sûr, juste et
humain », fait remarquer Adriana Palomares. « À la place, elle a repris les mêmes moyens ou en a trouvé d’autres pour empêcher les gens de demander l’asile à la frontière. Pour de nombreuses personnes que nous soignons le long de la route migratoire, retourner chez elles n’est pas une option envisageable. Repousser les personnes migrantes, les détenir, les abandonner ou rendre délibérément le processus si difficile qu’elles renoncent à atteindre les États-Unis est une politique cruelle qui ne fait que mettre les gens en danger. »

Un obstacle supplémentaire a été ajouté à la demande d’asile : l’utilisation d’une application téléphonique numérique connue sous le nom de CBP One pour prendre rendez-vous au port d’entrée. Souvent immobilisées pendant des mois dans des conditions extrêmement difficiles, sans électricité ni accès à l’Internet, de nombreuses personnes sont dans l’impossibilité de prendre ces rendez-vous avec un téléphone mobile.

Selon les témoignages que les équipes de MSF ont recueillis, l’application CBP One ne fonctionne pas bien sur certains appareils. Elle n’offre que très peu de rendez-vous chaque jour, et parfois, les seuls rendez-vous disponibles sont fixés dans des villes situées à des milliers de kilomètres. Certaines personnes demandeuses d’asile ont dû acheter un nouveau téléphone avec un meilleur appareil photo, car l’application demandait une photo. D’autres n’avaient pas accès au Wi-Fi ou ne pouvaient pas remplir le formulaire, car elles ne lisaient ni l’anglais ni l’espagnol.

LES GENS ONT BESOIN D’UN SYSTÈME SÛR ET RESPECTUEUX

Vénézuélienne, Magaly Margarita a passé quatre mois à Matamoros avec ses deux filles âgées de trois et cinq ans. Sa famille vit dans une petite tente sur les rives du Rio Bravo, à l’intérieur d’un camp pour personnes déplacées. Magaly a pris rendez-vous par l’intermédiaire de l’application CBP One le 28 février, mais les fonctionnaires de l’immigration ont refusé de conduire l’entretien, car elle n’avait pas inscrit ses filles.

Elle n’a pas eu la possibilité de prendre un nouveau rendez-vous et, il y a quelques jours, son téléphone mobile a rendu l’âme.

Cinthia Yolani Matute Cruz, son mari, Josúe David, et son fils dorment sous une tente dans le désert. La famille a réussi à présenter sa
demande d’entretien avec l’application CBP One, mais elle a essuyé un refus en se présentant à l’entretien, car ses noms ne figuraient pas
dans le système. Mexique, 2023.
© Yesika Ocampo/MSF

Pour beaucoup, retourner chez soi n’est pas une option

« Cela fait cinq jours que je ne peux pas me connecter à l’application. Je me connectais tous les jours avant. J’ai obtenu un message d’erreur indiquant qu’il n’y avait pas de place pour nous trois, qu’il n’y avait pas d’heure, Pour b retour n’est p qu’il n’y avait pas de date. C’est un processus très difficile », a expliqué Magaly qui a continué à vendre des bonbons dans les rues de Matamoros afin d acheter de la nourriture pour elle et ses filles.

« Quel est l’avenir pour des personnes comme Magaly Margarita qui attendent à la frontière nord du Mexique ou à un point de la route migratoire dans la région? », s’interroge Adriana Palomares. « Le durcissement des mesures contre la population migrante et le manque de recours juridiques pour gagner les États-Unis ont de sérieuses répercussions sur la santé des [personnes en situation de déplacement]. Il est essentiel de rétablir un système d’asile digne et sûr pour tout le monde. »