La population syrienne qui peine à accéder aux soins de santé au Liban craint l’expulsion

Arsal, une ville isolée dans le nord du Liban située près de la frontière syrienne. Liban, 2022. © Carmen Yahchouchi
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Tracy Makhlouf Responsable des communications

Les personnes d’origine syrienne réfugiées au Liban éprouvent de plus en plus de difficultés à accéder aux services médicaux essentiels, notamment en raison de cas d’expulsions forcées et des restrictions de la liberté de mouvement qui sévissent. Des équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) et certains partenaires ont été informés que la situation est exacerbée par l’intensification des propos discriminatoires à l’encontre des personnes réfugiées. Ces conditions entretiennent un climat dominé par la peur.

Dans cette atmosphère d’intimidation, de nombreuses personnes réfugiées craignent de sortir de chez elles, même lorsqu’il s’agit de se déplacer pour recevoir des soins médicaux essentiels. La situation est particulièrement alarmante dans le secteur mal desservi d’Arsal, une ville isolée du nord du Liban située près de la frontière syrienne où les équipes de MSF travaillent depuis plus de dix ans.

« Tout le monde est nerveux et reste à la maison, paralysé par la peur », explique Farhat, 75 ans, réfugié syrien qui suit depuis neuf ans un traitement contre le diabète à la clinique de MSF à Arsal. « Personne n’ose sortir, même pour aller acheter des produits de première nécessité. »

« Personne n’ose sortir. »

Farhat craint d’être arrêté par les autorités et expulsé du Liban. « J’ai peur qu’elles m’emmènent, qu’elles m’humilient et qu’elles m’expulsent du pays par la force », dit-il, ajoutant que beaucoup d’autres personnes partagent ses inquiétudes.

Ce printemps, les équipes de MSF ont enregistré un nombre croissant de rendez-vous manqués dans leurs cliniques. Cela s’explique notamment par la crainte d’expulsion que vivent les patients et les patientes qui doivent traverser les points de contrôle pour se rendre dans les établissements de santé.

CONFISCATION DES VOITURES ET DES MOTOS

Les équipes de MSF ont également signalé que le climat de peur qui règne a aussi des répercussions sur leur capacité à orienter les cas urgents vers les hôpitaux.

« Nous avons eu un patient qui, bien qu’ayant besoin de soins médicaux urgents, a refusé d’être envoyé à un hôpital. Sachant qu’il n’était pas enregistré, il était terrorisé à l’idée d’être expulsé », explique le Dr Marcelo Fernandez, directeur national de MSF au Liban.

L’application récente de politiques et de restrictions rigoureuses à l’encontre des personnes de nationalité syrienne réfugiées au Liban a entraîné pour plusieurs la confiscation de leur voiture et de leur moto. Dans un contexte de crise économique où les tarifs des taxis et des transports publics ont explosé, ces véhicules représentent souvent le seul moyen de transport abordable.

Mahmoud, 56 ans, suit un traitement contre le diabète à la clinique de MSF à Arsal, à cinq kilomètres de chez lui. Il fait partie des nombreux individus qui éprouvent des difficultés à se rendre à la clinique pour faire des examens et récupérer des médicaments.

« J’avais l’habitude d’utiliser ma moto pour me rendre à la clinique », explique-t-il. « Mais la récente réglementation nous interdit l’utilisation de motos, alors je dois maintenant faire le trajet à pied. »

Un grand nombre de résidents et de résidentes d’Arsal vivent dans la pauvreté, tandis que les services et les infrastructures de la région sont limités. Les communautés, autant libanaises que réfugiées, sont confrontées à des difficultés importantes pour accéder aux services essentiels, à l’intérieur comme à l’extérieur de la ville.

Les gens devraient avoir accès à des soins de santé en temps voulu, quel que soit leur statut.

« La confiscation des véhicules a privé de nombreuses [personnes vulnérabilisées] d’un moyen de transport fiable », souligne le Dr Fernandez. « Cette mesure a exacerbé les difficultés rencontrées par des gens dont les ressources et la liberté de mouvement sont déjà limitées, entravant encore davantage leur accès aux soins médicaux essentiels. Cette situation est intenable. »

« Aucune mesure ne devrait être instituée au détriment de la santé d’autrui. Toutes les personnes marginalisées doivent avoir accès à des soins de santé en temps voulu, sans égard à leur origine ou à leur statut. »

MSF AU LIBAN

MSF mène des activités au Liban depuis 1976 et y maintient une présence continue depuis 2008.

Les équipes de MSF travaillent actuellement dans sept localités à travers le pays. Elles y offrent des soins gratuits aux communautés n’ayant que peu ou pas d’options quand il s’agit de soins, y compris aux communautés libanaises et réfugiées, et aux migrants et migrantes qui travaillent au pays. Les services de MSF comprennent des programmes de santé mentale, de santé sexuelle et reproductive, des soins pédiatriques, des vaccinations et le traitement des maladies non transmissibles comme le diabète. Les équipes de MSF au Liban comptent plus de 700 travailleurs et travailleuses qui effectuent environ 150 000 consultations médicales par année.

*Les noms ont été changés pour protéger la vie privée.