Recycler pour protéger la santé

Benhilda Mutungira, une résidente de Stoneridge, s’occupe de son composteur qui transforme des déchets biodégradables en biofertilisants par l’intermédiaire de vers de terre. Zimbabwe, 2022. © MSF/Manzongo John
Partagez cette page :

Nicole Gazard Responsable des communications

« Les déchets ne deviennent vraiment des déchets que si nous les gaspillons! », indique l’affiche devant les gigantesques réservoirs d’eau de Stoneridge, une communauté aux abords de Harare, la capitale du Zimbabwe. Grâce à la participation des résidents et des résidentes, Médecins Sans Frontières (MSF) a mis sur pied un système qui recycle les déchets alimentaires, mais aussi les eaux usées, ce qui a un effet positif sur la santé des gens.

En travaillant aux côtés des communautés de Harare pour déterminer les défis médicaux et environnementaux auxquels elles font face, les équipes de MSF ont envisagé la possibilité de s’attaquer à deux enjeux d’importance à Stoneridge. Elles se sont premièrement penchées sur la manière de gérer les déchets biodégradables comme les restes de nourriture qui peuvent rapidement remplir les décharges et les canalisations d’eau, et dont l’enlèvement est coûteux. Deuxièmement, elles ont cherché comment recycler les eaux usées afin d’empêcher la contamination des eaux souterraines et la propagation de maladies d’origine hydrique telles que la fièvre typhoïde et le choléra. En collaboration avec les personnes qui vivent à Stoneridge, MSF a lancé, en 2019, un projet pilote auquel 32 ménages participent.

LA MAGIE DES VERS DE TERRE

La solution pour le recyclage des déchets biologiques a été ultrasimple. Les équipes de MSF ont installé des composteurs et fourni les vers de terre. Grâce à ces derniers, les déchets sont transformés en lombricompost, un fertilisant qui provient de la digestion naturelle et des déjections des vers de terre.

Cette technique permet de produire de l’engrais, tout en réduisant les déchets biologiques. Le compost ainsi produit peut être utilisé pour les jardins potagers des ménages ou vendu pour assurer une source de revenus supplémentaire. Grâce à la reproduction naturelle des vers de terre dans le composteur, il existe également un marché pour la vente de ces vers aux novices qui voudraient reproduire le projet.

« Le compost que nous produisons est excellent pour les cultures et les potagers », affirme Farai Wafawareva, un résident de Stoneridge propriétaire d’un composteur.

QUI DIT EAUX GRISES DIT POTAGERS VERTS

Pour recycler les eaux usées, les équipes de MSF ont remplacé les anciennes fosses septiques par des décanteurs. Ces dispositifs séparent les eaux grises provenant des lessives, des baignoires et des douches, des eaux noires provenant des toilettes. Les eaux usées passent par le décanteur, puis sont recyclées par la station d’épuration. L’eau recyclée est ensuite chlorée et réutilisée pour arr ser les jardins et alimenter les chasses d’eau.

« Avant, nous avions de piètres systèmes d’eaux usées », dit Farai Wafawareva. « Les vieilles fosses septiques présentaient un danger de contamination des sols. Maintenant, puisque tous les rejets sanitaires sont canalisés, finie la contamination des sols et de l’eau. Nous sommes fiers de disposer d’un si bon système, d’un environnement ainsi que d’une faune et d’une flore de qualité. »

LA CHASSE AUX DÉTRITUS

Au nord de l’oasis de verdure de Stoneridge se trouve Mbare, l’une des banlieues les plus densément peuplées de Harare. Là, les détritus et les mauvaises pratiques de gestion des déchets posent constamment des risques pour la santé.

« La mauvaise gestion des déchets ou des ordures peut boucher les conduites pluviales et les canalisations d’égout, provoquant des étendues d’eau stagnante et des inondations. Cette situation crée des conditions insalubres pouvant engendrer des épidémies de diarrhée telles que le choléra et la fièvre typhoïde », explique Danish Malik, coordonnateur de projet à MSF.

Harare produit plus de 70 000 tonnes de déchets solides par an. Par conséquent, l’installation de la station de transfert de déchets de Mbare était une priorité pour l’équipe de MSF. L’initiative communautaire assure des retombées directes pour la localité. Les ménages et les commerces comme les restaurants rapides peuvent séparer leurs déchets recyclables et choisir de les faire ramasser en vue de leur recyclage à la station. Par ailleurs, les recycleurs qui cherchent une source de revenus supplémentaire peuvent récupérer les déchets recyclables ou les trier à la station et obtenir de l’argent en contrepartie.

« LES DÉTRITUS SONT LUCRATIFS »

Afin de mobiliser la communauté, une formation a été offerte en collaboration avec une entreprise de gestion des eaux usées de la localité.

« Cinquante d’entre nous ont reçu une formation en matière de gestion des déchets. Nous avons ensuite transmis ces connaissances à d’autres membres de la communauté », précise Blantina Masvosva, recycleuse de Mbare. « Les gens de Mbare ne jettent plus leurs détritus partout. Ils peuvent les trier et les apporter pour se procurer un revenu d’appoint de manière à subvenir aux besoins de leur famille. Je comprends maintenant que les détritus sont lucratifs. »

« La communauté est fière de disposer d’un si bon système, d’un environnement ainsi que d’une faune et d’une flore de qualité »,
déclare Farai Wafawareva, un résident de Stoneridge. Zimbabwe, 2022. © MSF/Manzongo John
Un résident verse un liquide appelé « thé de vers » sur les déchets biologiques afin d’éliminer les odeurs désagréables provenant du
composteur et d’accélérer le processus de compostage. Le thé de vers est préparé en diluant dans de l’eau les déjections des vers pour
obtenir un jus riche en nutriments pouvant être utilisé comme engrais liquide. Zimbabwe, 2022. © MSF/Manzongo John
DES AVANTAGES, RIEN QUE DES AVANTAGES

En tant qu’organisation humanitaire à vocation médicale, l’objectif de MSF est de réduire la propagation des maladies d’origine hydrique dans la région.

« Jusqu’à présent, les nappes d’eau souterraine n’ont absolument pas été contaminées là où nous avons mis en œuvre le projet. Autrement dit, nous infléchissons la courbe des maladies d’origine hydrique », rapporte Ignations Takavada, superviseur de la santé environnementale à MSF.

Mais les avantages vont bien au-delà de la baisse du nombre de maladies, à condition que des initiatives en matière de santé environnementale soient intégrées à nos projets sanitaires dans un souci de durabilité à long terme.

« Ces projets sont porteurs d’énormes avantages, mais pas uniquement pour la santé publique et environnementale », convient Danish Malik. « Ils offrent également des instal- lations sanitaires durables, des emplois verts et des sources de revenus, des sols fertiles et une réduction des coûts de gestion des déchets pour les autorités locales. »