© Johnson Sabin

Haïti | Une crise en crescendo

Des techniciens en radiologie de MSF effectuent une IRM pour un patient à Port-au-Prince. Haïti, 2022. © Johnson Sabin
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Lucie Fauteux Chargée de communication Communications

Depuis des décennies, certaines régions d’Haïti sont en proie à la violence, aux tremblements de terre, à l’instabilité politique et aux épidémies. Cette succession de catastrophes et d’événements tragiques a entraîné le pays dans un insoutenable cycle de pauvreté, de violence et de crises qui compromet aujourd’hui la sécurité et la santé des communautés.

« La situation à Haïti est l’expression d’une crise complète à tous les niveaux », dit Witny Dorsainvil, soutien au directeur de pays pour Médecins Sans Frontières (MSF). « La violence est généralisée, l’accès aux soins et aux services essentiels est compromis, les besoins sont immenses, et les défis le sont tout autant. »

Dans de nombreux quartiers, les gens font face à une explosion de violence et peinent à accéder à de l’eau potable, aux denrées essentielles et à des soins de santé de base.

Présentes dans le pays depuis plus de trente ans, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) offrent une assistance dans différentes localités et infrastructures médicales.

UNE VIOLENCE QUI PUISE SA FORCE DANS L’INSTABILITÉ

La crise humanitaire qui prévaut à Haïti est complexe. Elle est la résultante de l’effet combiné des crises politiques, institutionnelles et environnementales qui ont tour à tour ébranlé le pays. Les crises non résolues et la pauvreté à laquelle les gens sont confrontés créent un terreau fertile aux groupes armés, notamment chez les jeunes des quartiers défavorisés pour qui l’adhésion à ces groupes représente sou-vent la seule perspective.

« Les motivations qui poussent les jeunes à entrer dans les groupes armés sont nombreuses, mais derrière ces motifs, c’est la misère qu’il faut voir, la nécessité de trouver une subsistance et d’aider les membres de la famille », explique Witny Dorsainvil.

Les autorités policières peinent ellesmêmes à contrer cette escalade de violence. Selon le Syndicat national des policiers haïtiens (SYNAPOHA), 14 policiers auraient été tués entre le 10 et le 25 janvier 2023.

UNE GUERRE AU CARBURANT

Dans ce contexte de crise généralisée, les difficultés d’approvisionnement en carburant constituent un facteur déterminant qui paralyse le pays. Même si la situation est moins critique qu’au moment du blocus de 2022, elle exacerbe néanmoins la violence et compromet l’ensemble des services de base dont les communautés ont besoin.

« L’État a cessé de subventionner le carburant, ce qui crée une rareté et une hausse du prix qui contribuent à décupler la violence », raconte Witny Dorsainvil. « Le blocage du principal terminal pétrolier, à l’automne 2022, a littéralement jeté de l’huile sur le feu. Le pays était bloqué, les institutions médicales bloquées, tout était bloqué. »

Faute du carburant nécessaire pour alimenter leurs génératrices, plusieurs cliniques ou centres de santé opérés ou soutenus par MSF ont été contraints de fermer ou de réduire leurs services, privant ainsi les gens de soins de santé souvent essentiels.

UNE CRISE EN CRESCENDO QUI COMPROMET LA SANTÉ DE TOUTE UNE POPULATION

Pénurie de carburant, pillage, accès aux soins de santé difficile, voire impossible, pénurie d’eau potable, la crise qui sévit en Haïti compromet de maintes façons la santé physique et psychologique des gens. La résurgence en 2022 du choléra, qui n’avait pas été vu depuis le dernier cas recensé en février 2019, en témoigne.

Witny Dorsainvil, soutien au directeur de pays pour Médecins Sans Frontières (MSF). Haïti, 2023.
© MSF

« Les routes bloquées, la violence et la peur, la pénurie de carburant, ce dysfonctionnement généralisé se traduit entre autres par un manque d’accès à l’eau potable. C’est difficile de ne pas faire le lien avec l’épidémie de choléra, mais elle peut aussi être le résultat combiné de tous les services et les soins auxquels les communautés n’ont pas accès », explique Witny Dorsainvil.

Sinexil Jean veille sur ses deux fils dans le centre de traitement du choléra géré par MSF à Diquini.
Haïti, 2022. © MSF/Alexandre Marcou

Les gens sont également confrontés à une recrudescence des violences sexuelles. En 2022, MSF a fourni à Port-au-Prince 14 474 consultations de santé sexuelle à des adolescentes et des adolescents, dont 2 383 pour violences sexuelles.

RÉPONDRE À L’URGENCE HUMANITAIRE ET SANITAIRE

Les établissements de santé ne sont pas épargnés par la violence et les contraintes d’approvisionnement, et plusieurs activités médicales de MSF ont été perturbées, voire fermées par une succession d’incidents critiques. Tout récemment, en janvier 2023, MSF a dû suspendre ses activités à l’hôpital public Raoul Pierre Louis, dans la commune de Carrefour, après que des hommes armés y aient fait irruption pour s’emparer d’un patient. Violemment amené à l’extérieur, ce dernier a ensuite été assassiné, à quelques mètres de l’établissement. En mars, MSF a également annoncé la fermeture temporaire de son hôpital de Cité Soleil, dans un contexte où de violents affrontements, à quelques mètres de l’hôpital, empêchaient nos équipes de garantir la sécurité du personnel, des patients et des patientes.

Difficile, dans ce contexte, de maintenir les activités médicales. L’accès aux hôpitaux et autres structures de santé publiques est ardu. Par ailleurs, les soins privés ne sont accessibles qu’à ceux et celles qui en ont les moyens, ce qui n’est pas le cas des groupes qui étaient déjà vulnérabilisés par la succession de crises et de catastrophes.

« Les besoins sont immenses. En 2022, nous avons soigné 2 630 personnes pour blessures par balle, et cela ne comprend pas tous les autres soins qui ont dû être prodigués », soutient Witny Dorsainvil.
« C’est une crise humanitaire dont on ne parle pas assez. D’autres organisations humanitaires doivent répondre pour fournir des soins et de l’assistance essentielle aux hommes et aux femmes qui sont piégés dans cette crise. »

En 2022, Médecins Sans Frontières gérait huit projets réguliers à Haïti, dont sept structures médicales dans l’arrondissement de Port-au-Prince, dans le département du Sud, et dans l’Artibonite. Entre octobre et décembre, MSF a également assuré une réponse d’urgence au choléra dans plusieurs départements du pays.

Un homme souffrant d’un traumatisme crânien est emmené au centre d’urgence de MSF à Turgeau. Haïti, 2022. © Johnson Sabin

MSF en Haïti

En 2022, les équipes de MSF, en collaboration avec le ministère de la Santé, ont fourni une panoplie de soins. Elles ont mené :

• 4 604 interventions chirurgicales
• 34 287 consultations d’urgence
• 4 802 consultations pré et postnatales
• 17 840 consultations dans des
cliniques mobiles
• 14 474 consultations en santé sexuelle chez des adolescents et des adolescentes

Et offerts des soins ou assisté :
• 2 630 personnes blessées par balle
• 379 grands brûlés
• 2 383 personnes ayant survécu à des violences sexuelles
• 737 naissances

Depuis l’annonce du premier cas de choléra, à la fin de septembre 2022, nos équipes ont également soigné plus de 19 000 personnes.