LES BESOINS DE MILLIONS DE PERSONNES TOUJOURS AUSSI CRIANTS
Voilà maintenant dix ans que la guerre menace des vies en Syrie. Douze millions de personnes, soit la moitié de la population d’avant le conflit, ont été contraintes de fuir leur foyer, souvent à plusieurs reprises, ce qui en fait la plus grande crise de déplacement de ce siècle.
Le système de santé relativement fonctionnel de la Syrie a été dévasté. Des centaines d’installations médicales ont été bombardées, et un grand nombre de travailleurs de la santé ont été tués ou ont fui.
Médecins Sans Frontières (MSF) vient en aide à la population dans différentes régions du pays depuis le début de la crise, en donnant des fournitures médicales, en mettant en place des hôpitaux et des cliniques, et en appuyant à distance des installations médicales et des médecins dans les zones où MSF ne pouvait accéder directement. Les
équipes MSF ont également apporté leur soutien dans les pays voisins qui accueillent des réfugiés syriens.
2011 : DE MANIFESTATIONS À CONFLIT ARMÉ
En 2011, les Syriens sont descendus dans la rue pour réclamer des réformes démocratiques. D’abord modeste, le soulèvement a rapidement donné lieu à des manifestations massives, auxquelles l’État a répondu par la violence et des arrestations. Puis, les manifestations se sont transformées en conflit. Les Syriens ont alors commencé à fuir vers d’autres régions du pays et les pays voisins.
Pour MSF, la provision de soins médicaux à la population syrienne a été ardue dès le début du conflit. De 2011 à aujourd’hui, MSF n’a pas obtenu l’autorisation de travailler dans les zones contrôlées par le gouvernement syrien, malgré ses demandes répétées; en conséquence, nos interventions se sont concentrées sur des domaines échappant au contrôle du gouvernement.
MSF a quand même réussi à fournir une assistance médicale en soutenant des réseaux de médecins syriens et en faisant don de matériel médical et d’articles de première nécessité aux hôpitaux de campagne et aux cliniques.
Dans les pays voisins comme le Liban et la Jordanie, MSF a prêté assistance aux réfugiés ayant fui la violence.
2012 : UNE GUERRE À PART ENTIÈRE
En 2012, le conflit s’est intensifié avec la participation de différentes parties. C’est alors qu’une véritable guerre a pris naissance.
MSF a ouvert des hôpitaux dans le nord de la Syrie pour répondre aux besoins médicaux croissants des habitants de la région. La plupart des établissements ont dû être installés dans des lieux non conventionnels, notamment des villas, des fermes d’élevage de poulets, des écoles et des sous-sols, après qu’un certain nombre d’installations médicales ont été frappées et détruites. Dans ces hôpitaux, les équipes MSF se sont concentrées sur les soins traumatologiques et les chirurgies liées aux blessures de guerre.
Incapable d’accéder à la capitale, MSF a fait don d’articles de première nécessité et de matériel médical au Croissant-Rouge arabe syrien à Damas, notamment des trousses d’outils chirurgicaux et de premiers soins.
Vu le nombre croissant de réfugiés syriens dans les pays voisins, MSF a élargi ses activités pour inclure le Liban et les camps du Kurdistan irakien.
2013 : LES BESOINS DE LA POPULATION EN HAUSSE
les conséquences d’un système de santé en détérioration. MSF a constaté la résurgence de maladies évitables. L’apparition de cas de rougeole chez des enfants à Alep et le premier cas de polio en Syrie en 14 ans, signes d’une dégradation de la santé, a poussé MSF à mener des campagnes de vaccination de masse dans le nord-est de la Syrie. Les organisations médicales ont commencé à exprimer plus fortement leurs difficultés à répondre aux besoins, d’autant plus face à des pertes massives et à des urgences aiguës. Vu l’intensité des combats dans le sud du pays, MSF a ouvert un programme chirurgical d’urgence à Ramtha, en Jordanie, près de la frontière syrienne.
Les pays voisins, confrontés à un afflux incessant de réfugiés syriens, ont commencé à adopter des politiques frontalières plus restrictives. Devant cette situation, MSF a élargi ses activités dans la région.
2014 : L’INTENSIFICATION DES AFFRONTEMENTS MEURTRIERS
En 2014, l’ONU estimait à 6,5 millions le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie, et à trois millions celles qui avaient fui le pays.
L’enlèvement de membres du personnel MSF en 2014 nous a obligés à suspendre nos activités dans les zones contrôlées par le groupe armé État islamique et à retirer le personnel recruté internationalement du nord-ouest du pays. Nous avons quand même réussi à ouvrir des projets et à augmenter le soutien à distance à certaines installations médicales en Syrie.
2015 : UNE IMPORTANTE CRISE DE DÉPLACEMENT
En 2015, le nombre de réfugiés syriens a franchi la barre des quatre millions. Des milliers de personnes ont tenté la dangereuse traversée de la mer Méditerranée, alors que six millions d’autres se sont déplacées à l’intérieur de la Syrie. C’est la plus grande crise de déplacement depuis la Seconde Guerre mondiale. MSF a intensifié ses activités dans toute la région, en lançant des opérations de recherche et sauvetage en Méditerranée et en soutenant les personnes tout au long de leur déplacement vers l’Europe.
Les zones civiles étaient régulièrement bombardées et souvent victimes d’attaques « à double impact », une tactique où la frappe initiale est suivie d’une deuxième frappe ciblant les équipes de secours ou l’établissement de santé recevant les personnes blessées.
En Syrie, MSF a soutenu 150 établissements de santé, le plus grand nombre à ce jour. Malheureusement, le soutien de MSF n’a pas empêché ces installations de subir directement les contrecoups du conflit. En 2015, 23 travailleurs de la santé syriens soutenus par MSF ont été tués et 58 autres ont été blessés.
2016 : LA POPULATION PRISE AU PIÈGE
En 2016, de nombreuses zones civiles ont été régulièrement bombardées et privées d’aide. L’accès à la nourriture et aux services de santé était extrêmement limité, en particulier pour la population dans les régions assiégées.
En décembre, le gouvernement syrien a repris Alep-Est, mais pas avant que ses habitants ne subissent le bombardement le plus féroce de la guerre qui durait déjà depuis cinq ans. Alep-Est est devenue alors l’épicentre du conflit et le théâtre de toutes les atrocités : guerre de siège, destruction d’hôpitaux, bombardements aveugles de zones civiles et mépris total des règles de la guerre.
En 2016, 32 établissements médicaux recevant notre soutien ont été bombardés ou pilonnés à 71 reprises
2017 : UNE COURSE POUR LE TERRITOIRE
Une course pour s’emparer du territoire et le contrôler a émergé en 2017. MSF a soigné des centaines de blessés de guerre après l’intense bombardement de Raqqa, ainsi que des personnes grièvement blessées par des engins piégés et des munitions non explosées dans des maisons détruites.
Onze centres médicaux soutenus par MSF ont été touchés par des bombes ou des obus dans 12 attaques ciblées ou aveugles.
2018 : VAGUES DE DÉPLACEMENTS ET DE RETOURS
Avec des combats intenses dans des régions contestées et les avancées militaires des forces gouvernementales syriennes, de nouvelles vagues de personnes déplacées ont commencé à arriver dans le nord-ouest de la Syrie. Dans le nord-est, les gens sont retournés dans des villages en ruine et des villes truffées d’engins explosifs et de mines terrestres.
Dans de nombreux endroits, tels que Dara, la Ghouta orientale, Hama et Homs, MSF n’a pas pu continuer à travailler et à soutenir les installations médicales après la reprise de ces zones par le gouvernement syrien.
2019 : OPÉRATIONS MILITAIRES DANS LE NORD
En 2019, le conflit s’est poursuivi, principalement dans le nord de la Syrie.
Dans le nord-ouest, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées à la suite d’une offensive lancée par les forces gouvernementales syriennes et leurs alliés, notamment la Russie. La plupart des personnes déplacées avaient peu d’options, car la majorité des zones considérées comme relativement sécuritaires étaient surpeuplées et l’aide humanitaire, fortement sollicitée.
Dans le nord-est de la Syrie, MSF a étendu ses activités en réponse à un afflux de plus de 60 000 déplacés arrivés dans le camp d’Al-Hol.
En 2019, la Syrie traversait également sa pire crise économique depuis des années, et la livre syrienne a atteint un plancher historique sur le marché noir.
2020 : OFFENSIVE MILITAIRE, CRISE ÉCONOMIQUE ET PANDÉMIE MONDIALE
L’année 2020 s’est amorcée avec la poursuite d’une offensive militaire à grande échelle dans le nord-ouest de la Syrie et le déplacement subséquent d’environ un million de personnes.
La pandémie est venue aggraver davantage la situation sanitaire. Le premier cas de COVID-19 a été confirmé à Idlib le 9 juillet. Les premiers cas ont été recensés au sein de la communauté médicale. Même avant l’épidémie, les ressources humaines étaient limitées, les hôpitaux de la région devant souvent partager le personnel médical. Même quelques médecins infectés et temporairement en arrêt de travail ont menacé l’accès aux soins de santé.
Pendant ce temps, la crise économique s’est poursuivie, laissant les gens incapables d’accéder aux nécessités de base telles qu’un abri, de la nourriture et des soins de santé. Les réfugiés de certains pays voisins ont également été touchés par des crises économiques dans les pays d’accueil, comme le Liban.
2021
Une décennie plus tard, le conflit en Syrie n’est pas terminé et la population continue de souffrir. À l’heure actuelle, près de 12 millions de Syriens – la moitié de la population d’avant la guerre – sont déplacés à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie. Environ 5,6 millions de réfugiés sont dispersés dans le monde, la majorité en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Irak et en Égypte. Environ 6,2 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays – le plus grand nombre de déplacés dans le monde.
Un nombre record de 12,4 millions de Syriens – près de 60 pour cent de la population – se retrouvent désormais en situation d’insécurité alimentaire, selon de nouvelles données alarmantes du Programme alimentaire mondial des Nations Unies. En un peu plus d’un an, 4,5 millions de Syriens supplémentaires vivent l’insécurité alimentaire. Une crise économique, des pertes d’emplois dues à la COVID-19 et la flambée des prix des denrées alimentaires ont aggravé le sort des Syriens déplacés et épuisés par une décennie de conflit.