| Autour du monde

Prendre soin du personnel soignant

Un employé de MSF et la directrice de l’hôpital du ministère de la Santé à Trostianets. La directrice et d’autres membres du personnel ont reçu des soins psychologiques de la part de MSF après avoir vécu sous l’occupation russe pendant des mois. Pendant une période de l’occupation, ils ont parfois dû réaliser les accouchements dans le sous- sol de l’hôpital. Ukraine, 2023.
© Nuria Lopez Torres
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Services de santé mentale en Ukraine

Le programme de santé mentale de Médecins Sans Frontières (MSF) fait partie intégrante de ses activités en réponse à la guerre en Ukraine. Les psychologues de MSF organisent des séances non seulement pour les personnes qui le requièrent, mais aussi pour les membres du personnel du ministère de la Santé, afin de les aider à faire face aux horreurs de la guerre.

Les zones de front dans l’est, le sud et le nord-est de l’Ukraine dans lesquelles le personnel intervient étant constamment bombardées, celui-ci doit travailler dans un état d’urgence permanent. Lors d’événements entraînant un grand nombre de victimes, le personnel médical s’occupe souvent de personnes en grande souffrance, notamment celles blessées par des tirs de missiles. Si l’on ajoute à cela leurs défis personnels et les expériences qu’ils ont vécues pendant la guerre, il n’est pas rare que leur santé mentale s’en trouve affectée.

« Durant la première phase du conflit, les médecins et psychologues du ministère de la Santé étaient au bord du surmenage », explique Alisa Kushnirova, une psychologue de MSF. Elle supervise une équipe de santé mentale travaillant à Kherson, Mykolaiv et Kirovohrad et les zones alentour. « À ce moment-là, personne ne pensait à prendre soin de soi et de sa santé mentale. Bon nombre de personnes se sont retrouvées en situation d’épuisement et de surmenage. C’est pour cela que MSF a introduit ce soutien psychologique auprès du personnel médical, pour veiller à ce que lui aussi reste opérationnel dans les hôpitaux que nous soutenons. »

Les psychologues de MSF ont organisé des séances individuelles et de groupe destinées aux médecins. L’objectif était de les aider à acquérir de bonnes habitudes pour décompresser et récupérer, à gérer leurs préoccupations personnelles et, surtout, à apprendre à ne pas refouler leurs émotions.

Intervenir auprès de personnes ayant connu l’occupation, les déplacements, les traumatismes physiques, la violence et la perte de leur foyer et de leurs proches peut amener le personnel médical à accumuler une charge émotionnelle trop lourde.

« Notre mental est une vraie éponge : il absorbe toutes les informations venant des personnes que nous soignons. Toutefois, il est incapable de les traiter et de les extraire par lui-même. Alors si vous avez besoin de pleurer et de hurler, il faut le faire », explique Alisa. « La capacité à reconnaître et à libérer ces émotions représente une grande force. »

Une conseillère MSF au service des jeunes

Stephanie Amalia, mieux connue sous le nom de Fani, est une éducatrice-conseillère qui travaille pour MSF dans la province de Banten. Indonésie, 2020. © MSF
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Stephanie Amalia, que tout le monde appelle Fani, est une éducatrice-conseillère qui travaille à Depok, dans le Java occidental, en Indonésie. Fani a commencé à travailler avec Médecins Sans Frontières (MSF) dans la province de Banten en mai 2018. MSF gère des projets médicaux destinés aux jeunes dans les sous-districts de Labuan et Carita, dans la préfecture Pandeglang de Banten. 

« Je suis conseillère auprès des jeunes âgés entre 10 et 19 ans, car le projet est axé sur la santé des adolescents. Mon travail est différent de celui des conseillers qui oeuvrent auprès des enfants et des adultes; les types de problèmes et les enjeux de santé mentale auxquels les jeunes sont confrontés diffèrent de ceux des autres clientèles », explique Fani. 

Les séances avec ses patients se déroulent en toute confidentialité. Elle les écoute avec empathie, les encourage et les responsabilise, tout en assurant le suivi des adolescents qu’elle soutient. 

Selon Fani, ces conversations aident les jeunes à se sentir à l’aise de partager leurs histoires, et la plupart disent que ces séances les aident à adopter une attitude plus positive. Une jeune femme qui a perdu son fils souffrait de dépression. Après avoir suivi des séances, elle se dit désormais plus en mesure de continuer sa vie. 

« En tant qu’éducatrice-conseillère, je ne fais pas que rester assise derrière un bureau ou dans un établissement de santé. J’effectue également des visites à domicile avec des sages-femmes MSF pour surveiller l’état des adolescentes qui sont enceintes », raconte Fani. « Elles vivent dans un endroit si différent, avec un signal téléphonique médiocre, loin de la route principale. » 

Dans les villages, Fani et ses collègues soutiennent les établissements de santé gérés par un seul travailleur médical. Dans ce contexte d’éloignement rural, cette même personne doit souvent se rendre chez les patients en moto, ce qui laisse les établissements de santé vides la plupart du temps. 

Sans signal téléphonique fiable, Fani et le reste de l’équipe de MSF doivent s’arrêter à chaque maison s’ils veulent s’entretenir avec ce membre du personnel médical. 

« Mon expérience dans les villages m’a rappelé une fois de plus à quel point l’Indonésie est immense. Il y a tellement de choses à améliorer ici. » 

MSF aide deux centres de santé à fournir des services aux adolescents depuis 2018. 

« Nous avons organisé des formations et du coaching », relate Fani. « En 2021, nous examinerons les leçons que nous avons apprises et commencerons à transférer la gestion aux cliniques de santé. Nous renforçons les capacités, tant celles des adolescents eux-mêmes que celles du personnel médical. Lorsque MSF partira, les travailleurs de la santé pourront gérer le programme eux-mêmes. » 

Pour Fani, tout ce qu’elle a fait, c’est parler et écouter. Mais elle constate qu’elle a pu aider les gens. 

« Je suis reconnaissante. Cela me fait réfléchir à nouveau au fait que chaque problème a sa solution. Ces gens n’ont besoin que de quelqu’un qui les aide à ouvrir les yeux pour voir une solution à leur problème. » 

Message de la directrice générale

Sana Bég, directrice générale, MSF Canada
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Sana Bég Directrice générale MSF Canada

« Elles [les personnes en deuil] ont toutes besoin d’un soutien : elles ont besoin d’être écoutées, de bénéficier de notre compassion, qu’on leur tende la main, voire qu’on pleure avec elles. »

Ces paroles de ma collègue Victoria Lepekha, responsable en santé mentale pour Médecins Sans Frontières (MSF) en Ukraine, reflètent toute l’importance du travail de MSF, qui dépasse la seule prestation de soins de santé.

Cela fait quelques mois que j’ai pris mes fonctions en tant que directrice générale de MSF Canada. Mon parcours avec MSF a cependant commencé il y a sept ans en tant que directrice des communications de MSF en Asie du Sud. Durant cette période, j’ai aussi travaillé directement avec les équipes présentes au Soudan du Sud et en tant que conseillère en communications pour le Yémen, la Syrie et l’Irak.

Le travail de MSF est ancré dans sa volonté d’établir des relations plus significatives et plus solides avec les personnes en situation de vulnérabilité. Ce sont ces valeurs – que partagent à la fois le personnel offrant une assistance médicale et les populations auprès desquelles nous travaillons – qui m’ont motivée à faire partie de ce mouvement international. Ce sont ces mêmes valeurs qui continuent à me motiver chaque jour.

Dans ce numéro de Dépêches, nous souhaitons vous faire découvrir l’histoire de personnes chassées de chez elles pour de multiples raisons comme la guerre, la violence et les difficultés économiques.

Menée en janvier par MSF dans le camp de Zamzam, au Darfour-Nord, une évaluation rapide de la nutrition et de la mortalité a révélé des taux alarmants de
malnutrition parmi les enfants examinés. Soudan, 2024. © Mohamed Zakaria

Vous en saurez plus sur les conséquences dévastatrices des politiques d’immigration en Amérique centrale et au Mexique sur la santé physique et mentale des personnes migrantes et réfugiées. Vous découvrirez les biens les plus précieux que les gens emportent avec eux lorsqu’ils s’apprêtent à traverser la mer Méditerranée dans les conditions les plus périlleuses. Nous vous parlerons également du Soudan, confronté à une immense tragédie humaine depuis que la guerre a éclaté il y a un an.

Souvent, les personnes déplacées de force requièrent des solutions politiques qui sont hors de notre contrôle. Les responsables politiques manquant à leurs obligations, MSF fait ce qu’elle peut pour combler les lacunes. Elle apporte une aide humanitaire cruciale et préserve la dignité des personnes auprès desquelles elle intervient.

SELON MOI, LA FORCE DE NOTRE HUMANITÉ COMMUNE COMPTE PLUS QUE JAMAIS.

MSF continue d’incarner les principes d’indépendance, de neutralité et d’impartialité. Elle souscrit également aux normes de déontologie médicale les plus élevées et s’engage à témoigner lorsque cela s’avère nécessaire. C’est pourquoi selon moi, la force de notre humanité commune compte plus que jamais.

Toutefois, les capacités de MSF sont limitées. Nous avons besoin du soutien moral et financier des personnes partageant les mêmes principes et les mêmes valeurs que MSF. À une époque où ce qui nous manque le plus est une attention humaine, votre attention et la confiance que vous continuez d’accorder à notre travail nous remplissent de gratitude. Merci de jouer un rôle aussi essentiel dans notre action médicale humanitaire.

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Prendre soin du personnel soignant

Un employé de MSF et la directrice de l’hôpital du ministère de la Santé à Trostianets. La directrice et d’autres membres du personnel ont reçu des soins psychologiques de la part de MSF après avoir vécu sous l’occupation russe pendant des mois. Pendant une période de l’occupation, ils ont parfois dû réaliser les accouchements dans le sous- sol de l’hôpital. Ukraine, 2023.
© Nuria Lopez Torres
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Services de santé mentale en Ukraine

Le programme de santé mentale de Médecins Sans Frontières (MSF) fait partie intégrante de ses activités en réponse à la guerre en Ukraine. Les psychologues de MSF organisent des séances non seulement pour les personnes qui le requièrent, mais aussi pour les membres du personnel du ministère de la Santé, afin de les aider à faire face aux horreurs de la guerre.

Les zones de front dans l’est, le sud et le nord-est de l’Ukraine dans lesquelles le personnel intervient étant constamment bombardées, celui-ci doit travailler dans un état d’urgence permanent. Lors d’événements entraînant un grand nombre de victimes, le personnel médical s’occupe souvent de personnes en grande souffrance, notamment celles blessées par des tirs de missiles. Si l’on ajoute à cela leurs défis personnels et les expériences qu’ils ont vécues pendant la guerre, il n’est pas rare que leur santé mentale s’en trouve affectée.

« Durant la première phase du conflit, les médecins et psychologues du ministère de la Santé étaient au bord du surmenage », explique Alisa Kushnirova, une psychologue de MSF. Elle supervise une équipe de santé mentale travaillant à Kherson, Mykolaiv et Kirovohrad et les zones alentour. « À ce moment-là, personne ne pensait à prendre soin de soi et de sa santé mentale. Bon nombre de personnes se sont retrouvées en situation d’épuisement et de surmenage. C’est pour cela que MSF a introduit ce soutien psychologique auprès du personnel médical, pour veiller à ce que lui aussi reste opérationnel dans les hôpitaux que nous soutenons. »

Les psychologues de MSF ont organisé des séances individuelles et de groupe destinées aux médecins. L’objectif était de les aider à acquérir de bonnes habitudes pour décompresser et récupérer, à gérer leurs préoccupations personnelles et, surtout, à apprendre à ne pas refouler leurs émotions.

Intervenir auprès de personnes ayant connu l’occupation, les déplacements, les traumatismes physiques, la violence et la perte de leur foyer et de leurs proches peut amener le personnel médical à accumuler une charge émotionnelle trop lourde.

« Notre mental est une vraie éponge : il absorbe toutes les informations venant des personnes que nous soignons. Toutefois, il est incapable de les traiter et de les extraire par lui-même. Alors si vous avez besoin de pleurer et de hurler, il faut le faire », explique Alisa. « La capacité à reconnaître et à libérer ces émotions représente une grande force. »

Une conseillère MSF au service des jeunes

Stephanie Amalia, mieux connue sous le nom de Fani, est une éducatrice-conseillère qui travaille pour MSF dans la province de Banten. Indonésie, 2020. © MSF
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Stephanie Amalia, que tout le monde appelle Fani, est une éducatrice-conseillère qui travaille à Depok, dans le Java occidental, en Indonésie. Fani a commencé à travailler avec Médecins Sans Frontières (MSF) dans la province de Banten en mai 2018. MSF gère des projets médicaux destinés aux jeunes dans les sous-districts de Labuan et Carita, dans la préfecture Pandeglang de Banten. 

« Je suis conseillère auprès des jeunes âgés entre 10 et 19 ans, car le projet est axé sur la santé des adolescents. Mon travail est différent de celui des conseillers qui oeuvrent auprès des enfants et des adultes; les types de problèmes et les enjeux de santé mentale auxquels les jeunes sont confrontés diffèrent de ceux des autres clientèles », explique Fani. 

Les séances avec ses patients se déroulent en toute confidentialité. Elle les écoute avec empathie, les encourage et les responsabilise, tout en assurant le suivi des adolescents qu’elle soutient. 

Selon Fani, ces conversations aident les jeunes à se sentir à l’aise de partager leurs histoires, et la plupart disent que ces séances les aident à adopter une attitude plus positive. Une jeune femme qui a perdu son fils souffrait de dépression. Après avoir suivi des séances, elle se dit désormais plus en mesure de continuer sa vie. 

« En tant qu’éducatrice-conseillère, je ne fais pas que rester assise derrière un bureau ou dans un établissement de santé. J’effectue également des visites à domicile avec des sages-femmes MSF pour surveiller l’état des adolescentes qui sont enceintes », raconte Fani. « Elles vivent dans un endroit si différent, avec un signal téléphonique médiocre, loin de la route principale. » 

Dans les villages, Fani et ses collègues soutiennent les établissements de santé gérés par un seul travailleur médical. Dans ce contexte d’éloignement rural, cette même personne doit souvent se rendre chez les patients en moto, ce qui laisse les établissements de santé vides la plupart du temps. 

Sans signal téléphonique fiable, Fani et le reste de l’équipe de MSF doivent s’arrêter à chaque maison s’ils veulent s’entretenir avec ce membre du personnel médical. 

« Mon expérience dans les villages m’a rappelé une fois de plus à quel point l’Indonésie est immense. Il y a tellement de choses à améliorer ici. » 

MSF aide deux centres de santé à fournir des services aux adolescents depuis 2018. 

« Nous avons organisé des formations et du coaching », relate Fani. « En 2021, nous examinerons les leçons que nous avons apprises et commencerons à transférer la gestion aux cliniques de santé. Nous renforçons les capacités, tant celles des adolescents eux-mêmes que celles du personnel médical. Lorsque MSF partira, les travailleurs de la santé pourront gérer le programme eux-mêmes. » 

Pour Fani, tout ce qu’elle a fait, c’est parler et écouter. Mais elle constate qu’elle a pu aider les gens. 

« Je suis reconnaissante. Cela me fait réfléchir à nouveau au fait que chaque problème a sa solution. Ces gens n’ont besoin que de quelqu’un qui les aide à ouvrir les yeux pour voir une solution à leur problème. »